Le Ministère public portugais a archivé l´affaire Madeleine McCann, le 21 juillet passé, après plus d´un an d’enquête. Gonçalo Amaral, le responsable de la Police Judiciaire qui a dirigé les investigations dans les premiers cinq mois a été écarté l´année passée, en octobre. Il a pris sa retraite et publie aujourd´hui au Portugal un livre dans lequel il révèle des faits inédits et maintient sa conviction : Maddie “est morte dans l´appartement 5A de l´Ocean Club (…) la nuit du 3 mai de 2007” et ses parents ont engendré “une simulation d´enlèvement.”
Le 28 juin 2007, les McCann ont demandé l’accord de la Police Judiciaire (PJ), pour qu´un supposé spécialiste en localisation de cadavres vienne à Praia da Luz : le Sud-Africain Danie Krugel, “inventeur” d´une “machine” capable de localiser n´importe quels corps, utilisant uniquement quelques cheveux de la victime. L´équipe d´enquêteurs portugais et britanniques, qui depuis mai cherchait à savoir ce qu’était devenue Madeleine McCann, a reçu la demande du couple avec total surprise. La petite Anglaise, a disparu la nuit du 3 mai, pendant qu’elle dormait avec sa sœur Amélie et son frère Sean, dans l’appartement de vacances loué par ses parents situé dans un ressort touristique, l’Océan Club, à Praia da Luz, Algarve, la région le plus au sud du Portugal. Ses parents et un groupe de sept amis dinaient, dans un restaurant, à une centaine de mètres de distance, c´est d’ailleurs sa mère, Kate, qu’aux alentours de 22 h se rend compte que l´enfant avait disparu.
Jusque-là, Gerry et Kate McCann insistaient sur la thèse que leur fille avait été enlevée, affirmant comme preuve le fait que les volets roulants de l´appartement avaient été forcés. La surprise des enquêteurs est décrite par Gonçalo Amaral, l´homme qui commandait l´enquête jusqu´au 2 octobre de l´an dernier, dans le livre “Maddie : La vérité du mensonge”, qui fut lancé hier à Lisbonne et auquel nous avons eu accès.
“Le couple admettait maintenant, ouvertement la mort de l´enfant, a l´inverse de ce qu´ils affirmaient publiquement”, écrit l´ex-investigateur de la PJ. Gonçalo Amaral a été écarté de l´enquête le 2 octobre, après qu’un journal portugais publie ses déclarations critiquant la police anglaise. Peu de temps après, il demande sa retraite anticipée afin de parler librement, rétablir son bon nom, jusque-là critiqué par les médias britanniques, et “contribuer à la découverte de la vérité”.
Dans le livre qui hier a été officiellement présenté, l´ex-investigateur de la PJ décrit, en détail les premiers mois de l´investigation, avec des milliers d´informations qui arrivait à la PJ donnant compte d’observations de la présence de Madeleine dans des pays a des milliers de kilomètres de distance, parfois dans des endroits différents, le même jour et à la même heure – le résultat d´une gigantesque campagne médiatique, monté par les parents, avec la contribution financière d´un groupe de millionnaires britanniques et le soutien du gouvernement anglais, y inclut le premier ministre, qui téléphone régulièrement de Londres au père de l´enfant.
Tournant décisif
Après le voyage de Danie Krugel à Praia da Luz – sans succès — les policiers anglais qui accompagnaient l´investigation ont suggéré l´utilisation de deux chiens spécialement formés pour flairer l´odeur d’infimes particules de sang et détecter l´odeur de cadavre. L´enquête, explique Gonçalo Amaral, était arrivée à une impasse : il n´y avait aucun signe ou indice d´un enlèvement et ils ont décidé d´accepter l´offre anglaise. Au début juillet, Marc Harrison, un des plus qualifiés officiers britanniques, avec une large expérience dans en crimes de ce genre, arrive au Portugal. Pendant une semaine, Harrison a analysé le procès, de bout en bout, a parcouru le petit village de Praia da Luz à pied, a vérifié les distances, les parcours, et étudié les résultats des recherches antérieurs et analyse avec attention tous les témoignages, de tous les témoins.
Le rapport des diligences effectuées par Mark Harrison, d´après Gonçalo Amaral, a présenté comme scénario le plus probable, l´hypothèse de que Madeleine était morte et a proposé un nouveau plan d´action pour l´investigation. Le 30 juillet, des équipes spéciales de la police britannique arrivent à l´aéroport de Lisbonne, avec les chiens Eddie et Keela. Le 3 août, le plan de travail suggéré par Harrison commence. Les nouvelles recherches ont permis d´obtenir des échantillons de sang et de cheveux dans le coffre de la voiture loué par les McCann. Les échantillons sont analysés dans un laboratoire britannique, le Forensic Science Service (FSS). Mais les résultats traînent, ou sont contradictoires ou inconclusifs. Dans le même rapport, souligne l’ex-investigateur, on confirme la présence de 15 des 19 marqueurs de l’ADN de Madeleine, dans les échantillons de la voiture, mais après ils expliquent que ça ne signifie pas que le sang rencontré soit de l´enfant.
Parfois, des choses surprenantes arrivent d´Angleterre. Fin aout, la police Anglaise informe la PJ que les McCann n’ont aucune carte de crédit ou de débit à leur nom ou utilisés par eux, ceci en réponse à une demande d’enquête faite par la PJ au mois de mai à la situation financière, sociale et familiale du couple et ses amis, révèle le livre de Gonçalo Amaral. Il s’agit de l’unique information obtenue par la PJ : “La réponse à cette demande n´est jamais venue, mais on savait que la police anglaise disait avoir un fichier complet”, écrit Amaral.
Rupture finale
La décision d’interroger à nouveau le couple McCann est prise de commun accord et les questions sont élaborés au cours d’une réunion entre les enquêteurs portugais et anglais. Le 6, Kate McCann effectue le déplacement jusqu’aux installations de la PJ. Elle regarde la foule et les journalistes concentrées au centre de Portimão, “elle rit, franchissant la porte, en disant que c´était bon pour le tourisme” raconte l´ex-enquêteur.
Kate, pendant son interrogatoire, refuse de répondre aux questions des enquêteurs, mais son mari répond et rejette toute responsabilité dans la disparition.
Le 7 septembre, les deux sortent de la PJ avec le statut d’arguidos (suspects). C’est à ce moment-là que tout éclate : “Après les interrogatoires du couple et leur sortie du pays, ça a été la débandade finale de la police anglaise.” Ceci après avoir déterminé une stratégie commune, étant donné que l´enquête incluait la police de Leicester et la Scotland Yard : “poursuivre la consolidation des preuves à propos du crime d´occultation de cadavre et simulation de crime, en parallèle avec des diligences qui mèneraient à la localisation du cadavre de Madeleine,” indique Amaral.
Quelque temps après, en octobre, Amaral est écarté de l´enquête. Le nouveau responsable, Paulo Rebelo, envoyé de Lisbonne, après neuf mois arrive à la conclusion qu´il n´y pas assez de preuves que les trois suspects aient commis un crime. Beaucoup de questions restent sans réponses. Gonçalo Amaral avait déjà laissé des “indices”, dans une précédente interview, en disant “qu´il y a eu plus politique que de police”, dans cette affaire. Dans son livre, il éclaircit des faits, mais il laisse également quelques questions : “Quels sont les pouvoirs qui ont difficulté et nui à l´enquête ?”
Les super chiens – Saumon et air conditionné
Les dépenses annuelles avec Keela, la chienne entraînée pour renifler l’odeur du sang, s’ellevent à quelques 250.000 €. Le salaire annuel du chef de la police du South Yorkshire ne dépasse pas les 163.000 €.
Tel quel Eddie, capable de renifler la moindre odeur de cadavre, ces animaux voyagent uniquement à bord de voitures équipés avec l’air conditionné, ont un vétérinaire à leur coté 24 sur 24 et la base de leur alimentation consiste en saumon fumée.
Les deux chiens ont une carrière remplie de succès, à un tel point qu'ils sont loués, par la police de South Yorkshire, à d’autres forces de police, au prix de 670 € par jour, sans compter les frais - tant des animaux que de leurs entraîneurs.
Récemment, Eddie s’est illustré dans une nouvelle affaire de police ou il a détecté la présence de vestiges humains dans un ancien orphelinat de l'Ile de Jersey. Le chien a désigné six endroits, à l'intérieur du bâtiment, que la police britannique est occupée à vérifier. Grâce à l’utilisation du chien, les restes mortels du corps d'un enfant ont été trouvés, dans un de ces endroits, en dessous d'une plaque de ciment d’une épaisseur aux alentours des 10 centimètres. Néanmoins, le quotidien britannique The Telegraph publiait, le 17 septembre de l'année passée, que les avocats du couple McCann prétendaient utiliser, en défense de leurs clients, les décisions d'un tribunal américain qui n'a pas admis les preuves rassemblées avec le recours aux chiens, l'utilisation d'un chien avec un entraînement identique, comparant sa fiabilité au hasard.
Plus de politique que de police
"(...) eu sei que o vosso gabinete tem tomado um império sobre o nosso, mas sei também que já é tempo de acabar. Se os meus predecessores tiveram a fraqueza de vos conceder tudo quanto querieis, eu nunca vos concederei senão o que devo. É esta a minha ultima resolução; regulae-vos por ella (...)" *
Faute d’un politicien de la qualité du Marquis de Pombal, le gouvernement portugais n’a pas su donner aux Anglais la réponse qu’aurait pu apporter aux forces de police – aussi bien les Britanniques que les Portugaises – l’espace de manœuvre nécessaire pour mener à bien l’investigation sans s’inquiéter du “politiquement correct” ou de la diplomatie, c’est d'ailleurs ce que confirme Gonçalo Amaral dans son livre.
L’ex-coordinateur de l’enquête à la disparition de Madeleine McCann confirme dans son livre, parfois dans les entrelignes, souvent en discours directe, le presence et l’ingérence de la diplomatie britannique dans le travail de la police.
Il fallait écarter Gonçalo Amaral, c’était devenu une priorité pour les McCann, leurs amis et ceux qui leur ont donné protection : en octobre, c’est d’ailleurs le premier ministre britannique en personne, Gordon Brown, qui prend contact téléphonique avec Prior Stuart, le responsable de la police de Leicester, pour vérifier si l’enquêteur avait bel et bien été écarté de l’investigation et des McCann.
à suivre...
Paulo Reis & Duarte Levy
* “(...) je sais que votre cabinet a pris un empire sur le nôtre, mais je sais aussi qu’il est temps d’en finir. Si mes prédécesseurs ont eu la faiblesse de vous accorder tout combien vous vouliez, je ne vous accorderai jamais plus que ce que je dois. C'est celle-ci ma dernière résolution ; régler vous par Elle (...)" - Lettre du Marquis de Pombal a Lord Chatam, du gouvernement britannique, en 1759, cité dans le livre de Gonçalo AMaral.
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